
Dégustation, mutation et réflexion
Après avoir passé une semaine Bordeaux, force est de constater que, dans l’ensemble, le millésime 2012 est, comme on le dit chez nous, surprenant en bien. La Rive Droite (Saint-Emilion, Pomerol…) tire avantageusement son épingle du jeu. Les merlots étaient à meilleure maturité que sur la Rive Gauche qui fut, elle, passablement arrosée. Ceux qui ont attendu les cabernets ont ajouté de surcroit une corde qualitative dans l’assemblage final. Certes, 2012 n’est pas 2010 mais il offrira de belles opportunités à l’instar de ce que peuvent être les 2008. Reste la sacro-sainte question des prix qui, si elle anime toujours les discussions dans les chais et aux Chartrons, laisse sa place à une interrogation plus profonde sur l’évolution du marché. Le monde du vin est en train de subir une profonde mutation dont il est encore difficile d’évaluer tous les tenants et aboutissants, mais il est clair que les filières de distribution vont être les véritables enjeux de ces prochaines années. Les habitudes de consommation ont changé et, si le vin s’est ouvert aux amateurs aux quatre coins de la planète, ces derniers affichent des sensibilités bien différentes que le noyau d’hédoniste de la précédente génération. Versatilité dans les goûts, influence affaiblie des prescripteurs à l’avantage des réseaux sociaux, culture du vin quasi inexistante dans certains pays quand elle n’est plus transmise dans d’autres, diabolisation de l’alcool par les gouvernants, sont autant de défi que la filière vin doit affronter. Last but not least, s’il est plus difficile de trouver un vin mauvais aujourd’hui, les vins sans âme, élaborés à grands coups de manipulation oenologique, sont eux devenus légion. Le fossé entre les vins de terroirs et les boissons alcoolisées étiquetées “vin” va donc s’agrandir autant que celui entre les consommateurs et les consomm’acteurs. Un beau challenge en perspective…
Mais revenons à nos moutons ou à nos chevaux, avec le millésime 2012 de notre poulain : Jean Faure. Depuis 2004, le manège est devenu une écurie de courses qui pointe maintenant en tête avec les meilleurs. Le nouveau promu dans le classement de septembre dernier continue d’élaborer un vin de haut vol que la critique salue unanimement. A l’heure où les grues de construction fleurissent dans le Libournais comme des champignons, on reste ici la tête dans le harnais en continuant à labourer droit son sillon. Cela fait peut-être moins d’effets, mais n’est-ce pas dans nos verres que l’on veut les y retrouver?
Revue du Vin de France – Spécial Primeurs 2012
Château Jean Faure 16-17/20*
” Un vin dont on découvre des similitudes avec le style pomerolais de Cheval Blanc, sans en être une copie…40% de cabernet franc offrent le plaisir du fruité et le filant des tanins qui construisent une mache sapide. Le merlot donne une touche crémeuse, un équilibre dans la fraîcheur percutante du cabernet. Une délicatesse vivante, une épure gaie, droite, jouissive comme nous aimerions en croiser plus souvent à Bordeaux “
Au moment de publier cet article Jean Faure 2012 n’est pas encore sortie en offre primeurs.
* Cheval Blanc 17,5 -18,5/20